Mon blog-notes pour vous parler du métier de traducteur, mais aussi et de manière plus générale de la langue française, de son étymologie, de sa littérature, de sa traduction, de ses expressions et d'un tas d'autres surprises.
N'hésitez pas à donner votre avis en cochant les cases sous chaque billet.

lundi 14 septembre 2009

Manque de réalisme

La prochaine expression agaçante est issue, une fois n'est pas coutume, du milieu des commentateurs sportifs. Ceux-là mêmes que se sont rendus coupables de la prolifération de « tutafé » et de « montée en puissance ». Il s'agit de la phrase : « Telle équipe a perdu par manque de réalisme. » J'en veux pour preuve que cette expression ridicule est liée au milieu du sport : voyez vous-mêmes les titres de ces pages référencées par Google. Que du sport (plus particulièrement du football) ou presque !

Je ne suis toujours pas certain d'où les amateurs de sports qui se disent journalistes par le seul fait de passer à la télé nous sortent cette expression, ni quelle signification ils lui prêtent exactement. J'en ai une vague idée. Ca vaut ce que ça vaut, car je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que le réalisme de Platon ou de Thomas d'Aquin a à voir là-dedans. A moins qu'il ne s'agisse d'un hommage au courant artistique du XIXe siècle et que les têtes pensantes (pfihihi !) du monde sportif français soient des aficionados de Hugo, Flaubert et Balzac. Allez donc savoir si manquer de réalisme, pour des joueurs de rugby ou de foot, ne signifie pas plutôt qu'ils ne se sentent pas en mesure de recréer les mouvements stylistiques des pinceaux de Millet ou de Courbet en réalisant leurs dribbles par entrechats, leurs plaquages sur pointes ou leurs tacles en grand écart. Ca serait prêter de bien gracieuses prétentions à ces pratiques physiques.

Admettons plutôt qu'une équipe de football relativement médiocre, par exemple, arrive sur le terrain et croit être capable de battre le tenant du titre en lui collant 5 prunes dans les filets. Cette petite équipe manque singulièrement de réalisme et ferait mieux de croire qu'elle va se ramasser 5 prunes dans les filets.
Inversement, une excellente équipe qui foule la pelouse d'une amicale de province manque autant de réalisme que d'humilité en étant sûre de leur coller 5 prunes dans les filets au lieu de rester méfiant face à une petite équipe dont elle ne connaît pas le jeu.
Deux équipes moyennes qui se rencontrent feraient chacune preuve d'un criant manque de réalisme en pensant coller 5 prunes dans les filets adverses.

En somme, quand on entre sur la pelouse avec l'envie de remporter le match, on manque tellement de réalisme que c'est bien fait si on perd. D'ailleurs, il n'y a que les perdants qui manquent de réalisme, c'est bien connu. Jamais l'on blâmera un vainqueur de son excès de confiance qui entraîne une relative perte du sens de la réalité (car je crois comprendre que c'est cela qu'on veut dénoncer, hors considérations artistiques). Au mieux, on félicitera le vainqueur pour son audace et pour avoir "tout donné" (encore une abomination verbale, tiens) !

Bref, les commentateurs sportifs manquent particulièrement de réalisme en croyant que la plupart des équipes feraient mieux de jouer pour perdre ou lieu d'avoir confiance en leur jeu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Membres